Bedjaoui sera l’adversaire du candidat de
l’Algérie Il représente le Cambodge pour l’élection du
DG de l’Unesco Par : SALIM
KOUDIL article paru sur www.liberte-algerie.com
Mohamed Bedjaoui sera bel
et bien l’adversaire du candidat soutenu par l’Algérie pour le poste de
directeur général de l’Unesco, en l’occurrence l’Égyptien Farouk Hosni.
L’information est officielle depuis le 1er juin dernier.
Il faut savoir que la date butoir
pour le dépôt des candidatures était le 31 mai à 23h59. Même si elle ne sera
proclamée par le conseil exécutif de l’Unesco que lundi prochain, nous avons pu
nous procurer la liste définitive des postulants au remplacement du Japonais
Koïchiro Matsura à la tête de l’Unesco. Ils sont neuf au total à briguer le
mandat de quatre ans et dont le vainqueur sera connu en octobre, à l’issue des
élections du conseil exécutif. Il s’agit d’Ivonne A-Baki (48 ans,
ex-ambassadrice de l’Équateur à Washington), de Benita Ferrero-Waldner (60 ans,
Autrichienne, commissaire de l’UE pour les Relations extérieures), d’Irina
Bokova (58 ans, ambassadrice de la Bulgarie à l’Unesco), d’Alexandre Yakovenko
(ministre russe des Affaires étrangères adjoint), d’Ina Marciulionyte (46 ans,
ambassadrice de la Lituanie à l’Unesco), de Noureini Tidjani-Serpos (63 ans,
Béninois, actuel directeur général pour l’Afrique à l’Unesco), de Sospeter
Muhongo (54 ans, Tanzanien), de Mohamed Bedjaoui (79 ans, Algérien) et, enfin,
de l’Égyptien Farouk Hosni (71 ans, actuel ministre de la Culture).
Ils auraient pu être
deux En ce qui concerne l’Algérie, le problème est loin d’être
banal. La confirmation de la candidature de Bedjaoui a tout l’air d’un défi de
l’ex-ministre des Affaires étrangères envers la présidence. L’Algérie soutient
officiellement, et cela depuis plusieurs mois, la candidature (annoncée depuis
2007) de l’Égyptien Farouk Hosni. Une position qui s’inscrit dans le cadre des
recommandations de la Ligue arabe et de l’Union africaine, deux organisations
qui ont opté pour le ministre de Hosni Moubarak. Malgré cela, et n’ayant pas
obtenu l’accord de son pays pour le proposer en tant que candidat, Bedjaoui a
décidé de se présenter pour le compte du Cambodge. Pour en savoir plus, nous
avons contacté par téléphone Bedjaoui. Après avoir confirmé sa candidature, il
s’est abstenu de tout commentaire “Je ne veux faire aucun commentaire pour le
moment”, a-t-il précisé. Selon son entourage, sa position est surtout liée à “un
refus d’obtempérer au choix du président égyptien qui veut imposer son
ministre”. Ce qui est loin d’être une vue de l’esprit puisque la candidature de
Farouk Hosni est considérée au pays des Pharaons comme une affaire d’État. En
novembre prochain, le seul représentant égyptien à la tête d’une organisation
mondiale, Mohamed El-Baradei, directeur général de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (AIEA) depuis le 1er décembre 1997, prendra sa retraite. Si
Farouk Hosni n’obtient pas ce poste à la tête de l’Unesco, ce sera la première
fois depuis près de 18 ans que Moubarak n’aura pas réussi à placer un Égyptien à
la tête d’une organisation internationale. Boutros-Boutros Ghali avait été
secrétaire général de l’ONU de janvier 1992 à décembre 1996. En plus de
Bedjaoui, la liste des candidats aurait pu contenir un autre candidat algérien
dont le nom circulait dans les couloirs du siège parisien de l’Unesco depuis
plusieurs mois. Mounir Bouchenaki, 66 ans, actuellement en poste en Italie
où il est directeur général du Centre international d’études pour la
conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM). Pressenti pour
être parrainé par la Bosnie, cet archéologue aurait finalement fait marche
arrière à la dernière minute. Il faut cependant relever que le cas de Bedjaoui
n’est pas isolé. Dix ans auparavant, soit en 1999, un certain Ismaïl
Séragueddine n’avait pas obtenu l’accord de son pays, qui n’était autre que
l’Égypte, pour espérer succéder à Federico Mayor. Il avait alors décidé de se
présenter sous la bannière du Burkina Faso. Cette année-là, plusieurs présidents
arabes, dont Hosni Moubarak, avaient soutenu un candidat unique, le Saoudien
Ghazi al Qosseby (à l’époque ambassadeur à Londres) qui, au bout, sera battu par
le Japonais.
Abdelmoumène, Un exemple
à méditer ! Plusieurs cas du genre on été signalés par le passé. Le
cas de l’Algérien Mohamed-Larbi Abdelmoumène en 1993. Postulant pour le poste de
directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il avait été
soutenu par les États-Unis et était quasiment assuré de prendre le poste.
Cependant, il a été carrément lâché par plusieurs pays le jour du vote dont
l’Algérie qui lui avait préféré le Japonais Hiroshi Nakajimaest qui briguait un
second mandat. Un désistement des autorités algériennes qui avait beaucoup
surpris. D’ailleurs, lorsqu’en 2001, Abdelmoumène avait été nommé ministre de la
Santé pour prendre, quelques mois plus tard, le portefeuille du Travail et de la
Sécurité sociale, certains y avaient vu une forme de compensation.
Sous l’ombre de
Barbosa Reste maintenant l’élection prévue en octobre prochain et
qui semble susciter l’intérêt de plusieurs États et pas des moindres. En vue des
remous constatés à plusieurs niveaux et sous différentes formes, l’enjeu dépasse
de très loin le cadre du siège parisien de l’Unesco. Dans l’état actuel des
choses, il faut dire que pour Bedjaoui, les chances d’obtenir le poste sont
quasiment nulles. Le candidat le plus sérieux reste l’Égyptien Farouk Hosni.
Nos sources précisent que la candidature de l’ex-ministre des AE ferait
partie du plan de Marcio Barbosa, directeur général adjoint de l’organisation
depuis huit ans. Ce dernier, à l’instar de Bedjaoui, n’avait pu obtenir le
soutien de son pays. Le Brésil soutenant officiellement le candidat des pays
arabes sur lesquels le président Lula da Silva compte beaucoup pour appuyer la
candidature de son pays pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité de
l’ONU. Le numéro deux de l’Unesco aurait tout fait pour inciter Bedjaoui
(avec qui il entretiendrait de très bonnes relations depuis plusieurs années) à
se représenter. L’objectif escompté était de démontrer aux autorités
brésiliennes que l’unanimité arabe n’était que de façade et qu’il serait plus
adéquat de le soutenir dans sa démarche de remplacer Matsura. Le plan instauré
par Barbosa ne touchait pas uniquement le groupe des pays arabes qui représente
7 sièges sur les 58 que compte le bureau exécutif de l’Unesco. L’Afrique a été
également touchée. Le Tanzanien, Sospeter Muhongo, et le Béninois, Noureini
Tidjani-Serpos (dont la candidature a été déposée quelques heures avant la fin
de l’ultimatum), seraient les deux autres “pions” de Barbosa pour démontrer que
l’Afrique part en rangs dispersés pour l’élection d’octobre prochain. Malgré
toutes ses manœuvres, le DG adjoint de l’organisation n’a pu changer la position
officielle de son pays ni encore trouver un pays qui puisse le parrainer. Ne
voulant pas abdiquer, le Brésilien se présente encore comme une “solution”, et
c’est ce qui expliquerait le fait que Bedjaoui maintienne toujours sa
candidature.
Manœuvres et
contre-manœuvres Selon des informations recueillies auprès de
certaines délégations accréditées à l’Unesco, certains pays européens et
africains comptent convoquer prochainement un conseil exécutif extraordinaire
pour prolonger la date limite du dépôt des candidatures. Une “combine” derrière
laquelle Barbosa ne peut être étranger. Devant la présence des sérieuses
candidatures de la Lituanienne Ina Marciulionyte (en plus de son pays, elle est
parrainée par la Lettonie, l’Estonie, ainsi que l’Ukraine), de l’Autrichienne
Benita Ferrero-Waldner, (cautionnée par son pays et la Colombie) et Farouk Hosni
(parrainé par l’Égypte, le Soudan, les Émirats arabes unis et le Koweït), le
Brésilien compte se présenter en tant que candidat de consensus. En face, il y a
l’“opposition”, qui représente essentiellement des pays qui soutiennent le
ministre égyptien, qui ne semble pas vouloir rester les bras croisés. D’après
les échos qui nous sont parvenus, la situation risque de prendre d’autres
proportions. Des menaces de divulgation de détails “croustillants” sur la
gestion de l’équipe du directeur général sortant (en poste depuis 1999) sont à
peine voilées. Des “bribes” avaient déjà été livrées il y a environ huit mois.
Toutes les délégations accréditées à l’Unesco avaient reçu un document, dont
l’auteur était anonyme, dénonçant la gestion de la direction générale de
l’organisation. La controverse va sans aucun doute s’amplifier au fil des jours
et des semaines. Le candidat de l’Algérie semble toutefois confiant. Il le
répète souvent dans ses déclarations. Mercredi dernier, Farouk Hosni a profité
de sa rencontre au Caire avec le DG de l’ENTV, Abdelkader Leulmi, et le
conseiller de la ministre de la Culture, Noureddine Othmani (en visite
officielle pour expliquer les contours de la deuxième édition du Panaf) pour
déclarer à l’APS qu’il était “bien placé” pour succéder à Matsura. Il
profita de l’occasion pour affirmer qu’il était étonné de l’attitude de l’Europe
avec les nombreuses candidatures. “Le tour est au monde arabe qui doit avoir un
représentant”, a-t-il déclaré tout en ajoutant que “les pays du Sud occupent ce
poste, car connaissant mieux leurs capacités et leurs besoins”. Les
Égyptiens sont surtout outrés par la position de la Russie qui, après avoir
affiché son soutien à Hosni, se “rétracte” et annonce, quelques jours avant la
fin du mois de mai, qu’elle aura son “poulain” en la personne de son ministre
russe des Affaires étrangères adjoint, Alexandre Yakovenko. La déception
égyptienne s’est également exprimée via la plume de l’un des plus influents
journalistes, Mohamed Salmawy, dont l’une de ses “casquettes” est le poste de
secrétaire général de l’Union des écrivains arabes. Sur les colonnes d’El Ahram
Hebdo (édition du 27 mai au 2 juin), il a publié un article dont le titre est :
“Un coup de poignard russe dans le dos”. Après avoir critiqué avec virulence
l’attitude du gouvernement russe, Salawnay lança un avertissement à peine voilé
: “Si le peuple égyptien a réussi malgré les accords officiels à boycotter
l’État qui œuvre à exterminer le peuple palestinien, il ne lui sera pas
difficile de boycotter le blé russe, avec tous les insectes qu’il
comporte.” Deux jours après la parution de l’article, et à la surprise
générale, plus de 30 étudiants russes ont été interpellés en Égypte… Décidément,
la guerre pour le poste de DG de l’Unesco cache d’autres conflits d’intérêts
colossaux qui mettent en jeu des États
entiers. |