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Malka Marcovich...enjeux internationaux
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15 mars 2009

KADHAFI DONNE LE TON DE DURBAN II

« L’islam règnera sur la planète, comme Allah l’a promis »

Par Jean-Claude Buhrer, ancien correspondant du Monde à l'ONU et co-auteur de "L'Onu contre les droits de l'homme", éditions les Mille et une nuits, 2003


A l’approche de la Conférence dite d’examen de la mal nommée Conférence mondiale contre le racisme de Durban, qui doit se tenir du 20 au 24 avril à Genève, le colonel Kadhafi a donné un avant-goût de ce que promet cette réunion controversée, dont le comité préparatoire est précisément présidé par la Libye, avec l’Iran parmi les vice-présidents. Dans un discours prononcé le 12 mars à Nouakchott en Mauritanie, à l’occasion de la commémoration de la naissance du prophète Mahomet, le guide libyen a pris des accents prophétiques non pas pour évoquer les droits de l’homme, mais « l’universalité de la religion musulmane ». Et de prédire que « l’islam règnera sur la planète, comme Allah l’a promis, les religions qui l’on précédé, ayant expiré, selon la version du prophète Mahomet, dernier messager de Dieu ».
Fort de cette certitude, Mouammar Kadhafi a lancé un appel à l’humanité tout entière à rendre justice au prophète Mahomet en reconnaissant sa religion comme la finalité de celles révélées par ses prédécesseurs que sont Moïse et Jésus. Selon le président libyen, « le Coran démontre qu’il n’existe pas de divergences entre l’islam et Moïse ainsi que ses proches fidèles, parce qu’ils étaient des musulmans. S’ils avaient vécu du temps de Mahomet, ils auraient cru en lui, tout comme il n’existe pas de problème avec Jésus et les autres prophètes, étant tous des musulmans et Mahomet le sceau des prophètes. » Si discorde il y a, a –t-il ajouté, elle se situe « entre nous et ceux qui ont refusé de suivre Mahomet, qui est un messager des juifs, des chrétiens et de toute l’humanité ». Dans la foulée, le dictateur libyen a encore invité ses coreligionnaires à instituer un « calendrier musulman à l’image des chrétiens », reprenant une revendication de « scientifiques » et  autres dignitaires de l’islam réunis l’an dernier au Qatar  lors d’une conférence intitulée : « La Mecque, Centre du Monde, Théorie et pratique ». A cette occasion, ils ont appelé à remplacer  l’heure GMT du méridien de Greenwich par celle de la Mecque, alléguant que cette ville saoudienne est le vrai centre du monde par « la volonté d’Allah » et comme la « science moderne en a enfin fourni la preuve ».1,
S’érigeant en défenseur de l’islam, le nouveau président de l’Union africaine a fait valoir qu’il est du devoir de chaque musulman de fortifier la religion et de la propager partout dans le monde. D’ailleurs, il n’a pas manqué de citer la grande contribution de la Mauritanie à la diffusion de l’islam  en Afrique de l’Ouest et du Centre, se gardant bien de parler du sort des Noirs maintenus en esclavage par les Maures et toujours victimes de discrimination raciale dans son propre pays. Abordant l’avenir de l’islam en Europe, le colonel Kadhafi s’est félicité de sa progression croissante avec la présence de millions de musulmans, alors que le nombre de non-mahométans est en régression et  que « la dynamique des conversions à l’islam se poursuivra avec l’entrée de la Turquie, de l’Albanie et de la Bosnie-Herzégovine dans l’Union européenne ». Quant à l’Afrique et à l’Asie, estime le dirigeant libyen, « elles s’orientent peu à peu vers l’islam, sonnant ainsi la fin de certaines religions appelées à être remplacées par l’islam, quoi que disent les polythéistes et les incrédules ».
A entendre le colonel Kadhafi, on est bien loin des illusions entretenues par les promoteurs de l’Alliance des civilisations, cette initiative lancée conjointement par le premier ministre turc Recep Erdogan et son collègue espagnol José Luis Zapatero suivant une idée de l’ancien président et hodjatoleslam iranien Khatami d’un dialogue entre l’islam et l’Occident. Placé sous l’égide de l’ONU en 2005, ce regroupement a connu une nouvelle consécration avec l’inauguration en grande pompe à la veille du 60e anniversaire le 10 décembre dernier de la Déclaration universelle des droits de l’homme au Palais des Nations à Genève, d’une nouvelle salle entièrement rénovée aux frais de l’Espagne  et  baptisée  « Conseil des droits de l’homme et de l’Alliance des civilisations ». Comme si cette dernière devait prendre le pas sur un système des droits de l’homme de plus en plus mis à mal et vidé de sa substance…
C’est dans ce contexte de remise en cause de l’universalité des droits de l’homme et de démantèlement des acquis que l’Organisation de la conférence islamique(OCI), forte de 57 membres sur  192 à l’ONU, s’active à faire entrer la religion dans les instances internationales et à imposer des normes anti-blasphème restreignant la liberté d’expression sous couvert de lutte contre « l’islamophobie » et la diffamation des religions, à commencer par l’islam. La même présidente libyenne du comité préparatoire de Durban II s’était déjà distinguée alors qu’elle dirigeait en 2003 la Commission des droits de l’homme qui a sombré dans le discrédit, en s’adressant à l’assemblée par ces pieuses paroles : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux, je vous salue avec les salutations de l’islam, que la piété de Dieu vous entoure. » Comme si elle se prenait pour une envoyée du ciel. A la fin de la session, Mme Najat Al-Hajjaji, avait manœuvré avec ses compères de l’OCI  pour empêcher tout débat sur une résolution réclamant la fin des discriminations contre les homosexuels. D’abord  en reléguant la question au dernier point de l’ordre du jour, puis en acceptant une suspension de séance pour permettre aux délégués musulmans d’aller faire leur prière, avant de clore la session et d’enterrer ce sujet litigieux.
Oubliant leurs propres principes de séparation du religieux et du temporel, les démocraties et autres pays laïcs s’étaient résignés et ont laissé faire. Comme ils n’ont guère été en mesure jusqu’à présent de résister à la majorité automatique de l’OCI  et de ses affidés qui impose sa loi au nouveau Conseil et aux travaux préparatoires de Durban II. Ainsi, la dernière mouture du projet de déclaration se présente comme une tentative de légitimer des violations flagrantes des droits de l’homme, tout en ignorant les nombreuses victimes du racisme à travers le monde. Qu’il s’agisse des Noirs exterminés au Darfour, des droits des femmes bafoués en Arabie Saoudite, des homosexuels exécutés en Iran, des Tibétains sous la botte de Pékin, aucune de ces victimes n’est mentionnée dans ce texte.
Avec la bénédiction de la  Jamahiriya arabe libyenne du colonel Kadhafi et de l’Iran des ayatollahs, Durban II est décidément bien mal parti. Les démocraties sauront-elles se ressaisir avant qu’il ne soit trop tard, ou accepteront-elles sans broncher de servir de caution aux desseins des dictatures, quitte à se renier et à boire le calice jusqu’à la lie ?

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