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Malka Marcovich...enjeux internationaux
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Malka Marcovich...enjeux internationaux
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4 août 2009

Assistante sexuelle pour handicapés ou prostitution ?

Publié dans Libération du 4 août 2009

Est publié ici l'intégralité du texte tel qu'envoyé à Libération le 22 juin 2009

On le sait pour les contrats d’assurance, il faut toujours lire les petites lignes. Le Manifeste « Tous solidaires avec les personnes handicapées (1)
» publié sur le site Internet de l’Express, et signé par diverses associations et personnalités, le prouve. Jouant sur les mots, il entraîne un certain nombre de signataires dans une embuscade.

Comment ne pas adhérer pleinement, de prime abord, à ce Manifeste qui défend à juste titre le droit à l’emploi, à l’éducation, à la liberté de circuler, à la mise en place de structures suffisantes, etc… ?

Mais qu’en est-il des dernières lignes du texte, vite expédiées, et dont les détails sont reportés plus loin dans l’article
(2)? Le « droit à une vie affective et sexuelle » nous est servi l’air de rien en fin de plaidoyer. Oui, mille fois oui à une prise en compte de la sexualité des personnes handicapées et au respect qui doit l’entourer !

Mais faut-il aller jusqu’à créer, comme aux Pays-Bas, des « assistants sexuels », personnes chargées de fournir elles-mêmes du plaisir sexuel, comme l’idée en est avancée plus loin sur le site et comme songent à le faire des associations de personnes handicapées réunies depuis mars 2008 dans le collectif Handicaps et Sexualités (CHA) (3)?

Faut-il garantir un « droit à la vie sexuelle », droit qu’il deviendra difficile de dénier à d’autres catégories de population (prisonniers, malades, etc…) ? Et qu’est-ce qu’un « droit à la sexualité » qui implique un « devoir sexuel » pour celles et ceux qui seront chargés de l’assurer ?

Ainsi, un nouvel « emploi » verrait le jour en France. Un « métier reconnu » doté d’une formation et qui, « pour des raisons culturelles (4)» serait en réalité majoritairement exercé par des femmes, pour les « besoins » d’une majorité d’hommes. Dans l’idéal, cet « emploi » serait exercé par des personnes issues du domaine médical ou paramédical, à qui serait proposée une formation. Les étudiantes kinésithérapeutes ou aide-soignantes apprécieront.

Une nouvelle fois, les femmes vont payer la note. Renvoyées au sacrifice, à la générosité dont elles sont si prodigues, trouvant une solution au chômage dans un nouveau « métier de service ». Une étape supplémentaire sera franchie. Le service domestique et le service soignant ne suffisant plus, le service sexuel viendra parachever le retour de la femme traditionnelle, oublieuse de soi, de sa propre sexualité, de ses propres désirs. On la paiera et elle aura la satisfaction, n’est-ce pas, de faire une bonne action.

Pas de prostitution là-dedans (5), nous dit-on. Mais quoi, alors ? Comment appeler autrement un « service » rémunéré, comportant des actes sexuels ? Changer un nom suffirait-il à changer une réalité ?

Faut-il rappeler que dans les pays où ce « service » existe, il est considéré comme une forme de « prostitution spécialisée » ? Qu’il ne peut être mis en place qu’à la condition de dépénaliser certaines formes de proxénétisme, ce qui est le cas aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, tous pays qui organisent la mise à disposition des femmes, avec la bénédiction de l’Etat, au bénéfice de la moitié masculine de la population, handicapée ou non ?


L’incohérence serait totale à l’heure où de plus en plus de textes internationaux, que la France a notamment ratifiés (6), reconnaissent que l'existence d'une "demande" contribue à l'organisation de la prostitution et à la traite des femmes et appellent les Etats à la décourager ! Comment concilier la création de « services d’assistant-e-s sexuel-le-s » et les mesures préconisées – y compris législatives - à même de dissuader les « clients » des personnes en situation de prostitution ?

On note d’ailleurs que certain-e-s signataires du Manifeste – Catherine Trautmann, Axel Kahn, Bertrand Delanoë, Jean-Louis Bianco, etc…- ont à d’autres occasions exprimé leurs craintes sur la marchandisation de la sexualité ou se sont engagés en faveur de textes défendant la pénalisation des clients prostitueurs. Leur a-t-on vraiment donné tous les éléments sur le contenu du « droit à la vie sexuelle » ?

La prostitution est un des hauts lieux de la violence contre les femmes. En faire un « métier de service », au nom de la détresse –réelle- de quelques-uns, c’est fournir un cheval de Troie à l’industrie du sexe et à ses marchands de femmes qui n’auraient jamais osé rêver d’une telle promotion.

Nous refusons cette nouvelle dérive. Croit-on vraiment respecter les personnes handicapées en créant une loi spécifique qui aboutisse, non à résoudre leur légitime demande de liens affectifs et sexuels, leur besoin de reconnaissance en tant que citoyen-ne-s, mais à se débarrasser d’un problème douloureux en fabriquant une solution marchande ?

Qu’en pense Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité (7), qui a déclaré cette création « impossible et impensable au regard de la loi française (8)» ? Qu’en pense Roselyne Bachelot, ministre de la santé ?
Nous aimerions le savoir.

Signatures :
Bernice Dubois, déléguée MAPP à l’ONU
Lilian Hals French, Présidente de Initiative Féministe Européenne
Claudine Legardinier, journaliste
Malka Marcovich, historienne
Françoise Morvan, Vice-Présidente, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes
Emmanuelle Piet, Collectif Féministe contre le Viol (CFCV)
Colette Rivemale, Directrice de Centre d’adultes handicapés
Evelyne Rochedereux, Présidente CIBEL
Sabine Salmon, présidente nationale de Femmes Solidaires
Annie Sugier, Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes
Wassyla Tamzali, avocate, ex-directrice du programme sur la condition des femmes à l'Unesco
Aline Vergnon-Bondarnaud, Présidente du GRAIF Marseille
Michèle Vianès, Présidente de Regards de Femmes

ET
Isabelle Alonso, écrivaine
Marie-Christine Aubin, militante féministe
Méry Benaroya, Ingénieure
Breen Katie , journaliste/conseil éditorial
Anne Bucas-Français, militante féministe
Dinah Brami, militante féministe
Denise Brial, enseignante, présidente Atalante (vidéos féministes)
Sylvaine Boussuard – Le Cren,
Sophie Chauveau, écrivaine
Conchita GONGORA, mère de Zoé, 23 ans, polyhandicapée
Jacques Dachary,
Claire Darc, militante féministe
Michèle Dayras, Présidente de SOS Sexisme
Carine Delahaie, rédactrice en chef de Clara Magazine
Catherine Deudon, auteure photographe d’Un Mouvement à Soi
Annick Fournier, retraitée de l’Education Nationale
Nadia Guédri, Femmes Libres
Claude Groussin, Présidente du CDGM
Hélène Hernandez, Femmes Libres
Patric Jean,cinéaste
Juliette Minces , écrivaine
Hélène Piano, déléguée BPW international à l’UNESCO
Delphine Raynaud, CFCV
Margaret Reuter, militante féministe
Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes du 93
M.F. Rougerat
Ghislaine Royer, Présidente BPW France
Annie Segura-Daudé, Présidente du Mouvement Jeunes Femmes
Nelly Trumel, émission Femmes Libres Radio Libertaire


[1] http://www.lexpress.fr/actualite/societe/manifeste_handicap.asp
[2] Reportage sur la condition des personnes handicapées, page 4 du site
[3] Le texte fondateur préconise la mise en place de services « d’assistance érotique et/ou sexuelle » avec « l’élaboration de référentiels métiers, de compétence et de formation ».
[4] ibid..
[5] Lire à ce propos le rapport de M. Marcel Nuss, Propositions pour un accompagnement plus humanisé et humanisant et une formation plus adaptée – (juin 2006)
[6] Protocole de Palerme, 2000 – Convention de Varsovie, 2005.[7] Valérie Létard était encore à l'époque de la rédaction de ce texte Secrétaire d'Etat à la solidarité
[7] Prostitution et Société n° 160, revue du Mouvement du Nid, Dossier Handicap et prostitution, 2008 – en ligne sur http://www.prostitutionetsociete.fr/actualites/actualites-france/handicap-accompagnement-sexuel-ou

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Commentaires
D
Je conscois que si l'assemblée nationale légifère en ce sens, le probleme des autres catégories citées telles les prisonniers....se posera également. Cependant, une personne handicapée, reste néanmoins vivante, qu'elle vit qu'elle respire, qu'elle a des besoins naturel, meme en situation de handicap, homme ou femme, c'est ainsi et cela on ne peut le changer, meme avec un physique amorphe en partie. Si ces personnes, ont un droit de vie,il faut inclure tout ce qui en découle. Je suis bien entendu d'accord sur le fait, que ce genre de statut peut donner lieu a des dérives, et qu'une dégradation du statut de la femme peut s'en suivre, une dégradation supplémentaire je vous l'accorde. Mais dans le meme temps peut on laisser des personnes en perdition, pas seulement des malades, mais leur entourage aussi, alors que des pays voisins proposent des solutions, du moins essaient. Je l'écrit ici, mais je vous en prie ne me fustigé pas, car ce qui va suivre est tres grave d'un point de vue moral, mais il y a des meres qui sont dans l'obligation de masturber leurs fils lourdement handicapé, est ce que cela est normal au 21 eme siecle??? Doit on, en plus de du poids de la maladie et de tout ce qui en découle, leur faire supporter cela???<br /> Une rélexion sur la question est plus que nécessaire, et un tel service s'il devait voir le jour, devrait a mon avis etre mis en place autour de professionnels de la santé comme évoqué précédement(médecins,kinés,infirmières,psychologues...) et devrait absolument reposer sur la base du volontariat. Pourquoi pas inclure aussi des prostituées qui auraient suivi une formation tres stricte en la matière. Un contingent mixte évidement car des hommes sont également pret a s'investir, l'assistance sexuel est avant tout et doit avant tout etre un acte d'amour et de respect envers une personne qui n'a pas eut la chance de l'assistant en question.
C
Bien évidemment je suis contre le système prostitutionnel et l'oppression des femmes qu'il implique. Cependant ma conviction n'est pas établie à propos de cette "assistance sexuelle" aux personnes handicapées. j'ai écouté une émission sur France culture donnant la parole à des Suisses (hommes et femmes, il y avait d'ailleurs un peu plus d'hommes de que femmes) se préparant à cette activité. La grande majorité étaient du milieu médical (kiné, infirmier...). D'après cette émission, les personnes handicapées assistées ainsi étaient autant des hommes que des femmes, et aussi des couples (par exemple deux personnes atteintes de sclérose en plaque que l'assistant aidait à se coucher ensemble). Il s'agissait de cas graves (personnes paralysées...) et dans les exemples évoquées l'assistant ou l'assistante faisait des caresses sur le corps ou le sexe, en dialogue avec la personne... Cela faisait plus "médical" que prostitution et il n'y avait pas de rapport sexuel entre les deux (par exemple pas de pénétration). Les exemples donnés étaient hétérosexuels, mais rien n'empécherait que l'assistant soit du même sexe que la personne assistée si elle le souhaite. Donc je crois qu'il faut poursuivre la réflexion, car il y a là une réelle question.
J
Je mets un lien sur mon blog !
C
En tant que mère d'une jeune fille polyhandicapée de 23 ans, j'ai apprécié votre point de vue concernant le recours à un "service sexuel" qui se transforme en "métier" au nom d'une sexualité dont on ne sait rien ou presque rien lorsqu'il s'agit des personnes lourdement handicapées. Ca commence très vite dès l'enfance où dans les institutions ON en parle en riant, ça continue à l'adolescence où ON dénie toute la réalité sexuelle qui agite et préoccupe le jeune polyhandicapé. Quant on arrive à l'état adulte, silence radio.C'est toute la pauvreté des professionnels des milieux médico-sociaux qui est en cause. Aucune réflexion, pas de pensée. Voilà où nous en sommes malgré parfois quelques avancées mais toujours à doses homéopathiques. Par contre, le recours à "l'autre", ne ferra que renforcer le rapport de forces, le corps et son désir qui souhaitent se manifester transformés en marchandises. Voilà pourquoi je souhaite signer votre texte et vous permets d'utiliser mes coordonnées. Je vais faire circuler le texte à d'autres parents et associations pour qu'ils puissent réagir. <br /> Conchita GONGORA, mère de Zoé, 23 ans, polyhandicapée
M
BRAVO pour cet engagement quant au respect de La Femme en tant qu'Etre Humain mais aussi au respect dû à Sa féminité qui ne saurait être galvaudée et un très grand Merci d'avoir fait le choix d'être le Porte-Voix de toutes celles qui ne sauront découvrir l'information donnée ici, avec tout ce qui se trame à leur insu. Je souhaite également, c'est une évidence, être signataire si cela est possible.......