Pouvons-nous faire libérer des citoyens, otages des dictatures fascistes, en oubliant les peuples dans leurs enfers ?
Par Ann Pak, réfugiée iranienne
Pouvons-nous
faire libérer des citoyens, otages des dictatures fascistes,
terroristes tout en négligeant, en oubliant les peuples dans leurs
enfers ?
Comment ne pas se réjouir d’une libération d’otages où qu’elle
intervienne dans le monde, et ne pas participer à ces moments
d’émotion collective, rares instants de concorde politique planétaire
largement relayée par les médias ?
On peut se demander cependant quel sera le prix à payer pour les
libertés fondamentales, là-bas et ici, lorsque ces dénouements heureux
s’accomplissent grâce à l’entremise des régimes les plus dictatoriaux.
Il en fut ainsi lors de la libération d’Ashraf El-Hojouj et Kristiyna
Valcheva et ses collègues, plus connus sous leur titre de "médecin
palestinien" et "infirmière bulgare" des geôles libyennes, qui permit
au Colonel Khadafi de prendre sa place dans le concert des Nations. Ce
fut le début de l’ascension politique de la Libye au niveau
international. Ainsi, un mois après ces libérations, la Libye
(Grande Jamahiriya arabe) était élue présidente du comité préparatoire à la conférence d’examen de la conférence mondiale contre le racisme
dite "Durban II". Dans la foulée, elle fut élue au Conseil de
Sécurité, à la tête de l’Union Africaine, et présidera à partir du 15
septembre pour un an l’Assemblée Générale des Nations Unies. On
peut aussi se demander quelles concessions auraient été faites à Hugo
Chavez s’il était parvenu à libérer Ingrid Betancourt de l’emprise des
Farc…
Depuis le printemps , nous assistons à une intense activité
diplomatique de l’administration Obama, qui a permis la libération des
journalistes Roxana Sabéri, otage du régime de Téhéran, Laura Ling et
Euna Lee, otages de République démocratique de Corée. Puis est
apparu au premier plan en France le visage de Clotilde Reiss dans le
procès "en sorcellerie" de Téhéran après la révolte du mois de juin,
suivi de celui du Président Syrien Bashar El Assad en potentiel
libérateur.
Et en ce début d’automne, on en vient presque à
oublier l’immense espoir qui a animé le peuple iranien et les
démocrates du monde entier, épris de liberté, durant les semaines de
révolte qui ont suivi les élections truquées et le sort de ceux qui
ont été arrêtés. Le régime islamiste d’Iran est un régime qui
recourt souvent à la prise d’otage et à la terreur aussi bien sur le
plan national qu’international. Par exemple, personne n’a oublié la
prise d’otage du personnel de l’ambassade des USA tout de suite après
la prise de pouvoir de Khomeiny. Sans oublier le recours de ce
régime à la terreur et à l’assassinat de ses opposants sur le sol des
pays libres. Par exemple, parmi tant d’autres, l’assassinat de Shapour
Bakhtyar à Paris (la France a depuis libéré son assassin libanais
embauché par le régime islamique).
La prise d’otage et
l’emprisonnement de Clotilde Reiss ont incité les médias français à
s’intéresser, un court instant, au sort des iraniennes et iraniens
arrêtés par le régime islamiste. Mais, dès lors que la machine de
négociations et de marchandages diplomatiques se mît en marche pour la
libération de Clotilde Reiss, très consciencieusement, ils ont laissé
aux oubliettes les barbaries infligées aux prisonniers politiques et
au peuple iranien. Selon la loi islamique constitutionnalisée en
Iran, toute remise en question du régime, toute requête en justice,
toute quête d’égalité entre homme et femme est considéré comme un
blasphème. Ainsi, le régime théocratique jette l’anathème sur les
citoyens qui réclament la justice, qui luttent pour la démocratie et
la liberté, qui réclament l’abolition de l’apatride sexiste.
Dès
lors, tout un appareil « impeccablement » infernal se met en action
pour éliminer la pensée, effacer l’individu, écraser la personne,
briser toute aspiration au changement, massacrer les opposants, et ce
depuis trente ans. Les premières éliminations commencèrent en 1981
puis en 1988 lorsque Khomeiny ordonna le massacre de milliers de
prisonniers politiques, de jeunes femmes et hommes. Le monde resta
aveugle et sourd aux cris de ces prisonniers, parfois seulement âgés
de quinze ans.
Et là, depuis la révolte du mois de juin, la
machine répressive du régime islamique, une fois de plus, terrorise de
façon impunie tout un peuple qui n’a que sa colère et sa révolte
contre les « agents de dieu » armés jusqu’au cou. La torture se
pratique au nom d’«allah», ce qui produit deux conséquences : les
tortionnaires détruisent sans aucune mauvaise conscience et les
prisonniers et prisonnières, démolis et abattus, sont culpabilisés
encore davantage face à ce dieu. Des tortionnaires accompagnent les
tortures de coups de fouets et des gestes répétitifs de supplice par
la répétition de «الله اکبر /Allaho Akba/ dieu est grand » et « لا
اله الا الله/la élaha ella lélla/ il n’y a pas d’autre dieux sauf
Allah! » Entre autres châtiments cruels et dégradants, le viol des
prisonnières et prisonniers fait partie d’un redoutable moyen pour
casser, briser, détruire, déshumaniser l’individu. Dans les années 80 et 90, après le viol et l’exécution des prisonnières non mariées, ils envoyaient une boite de gâteaux aux parents
de ces prisonnières parfois âgées de 15-16 ans, en guise de «cadeaux
du marié». Car « des fille vierges sont susceptibles d’entrer au
paradis, il faut donc les en empêcher » par le viol.
Depuis le mois de juin, ces pratiques barbares continuent de plus
belle. Au mois d’aoûte, nos écrans ont montré quelques uns de ces
procès dans des «tribunaux commandés», avec des dizaines de
prisonniers avouant les pires des crimes, «l’espionnage, le
renversement du régime islamiste», passibles de la peine de mort.
Comment pensez-vous que le régime islamiste contraint des prisonniers
politiques d’avouer des crimes non commis ? Par la torture, le viol et
les menaces pour leurs familles. Ces barbaries cruelles et
moyenâgeuses, dignes d’être décrites par l’historien Michelet,
anéantissent la personne, tuent la volonté, et font que l’individu
avoue tout ce que lui demandent ses tortionnaires.
Quel peut être le but des ces cruautés infligées aux êtres humains ?
Obtenir des aveux pour des crimes non commis ? Semer la terreur
jusqu’au for intérieur de l’individu, jusqu’au plus profond de la
société ? Par la peur et la terreur, faire tout accepter à l’individu
et à la société ? Préserver le pouvoir quelques jours de plus ? Ou
bien peut-être montrer qu’il n’y a plus de limites au mépris que les
ayatollahs vouent, au nom de dieu, aux êtres humains ? Mais les
clergés chrétiens qui jadis ont exercé tout ce que les imams
islamistes expérimentent aujourd’hui ne nous ont-ils pas démontré que
leur règne ne fut pas éternel ? Face à cette vérité, les Etats des
pays libres doivent sortir de leur silence et de leur inertie. Il
faut arrêter de négocier la liberté des femmes et des hommes avec des
dictatures pour des intérêts économico-pétroliers. Car à long terme,
ils ne sont pas gagnants. Il faut refuser toute reconnaissance,
négociation et relation diplomatique avec le régime islamiste de
Téhéran et son candidat imposé Ahamadi néjad.