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Malka Marcovich...enjeux internationaux
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20 octobre 2008

Ziegler se donne en spectacle

Dans la Tribune de Genève du 20 octobre, on peut trouver une interview autour de mon livre "Les Nations désUnies", par Alain Jourdan sous la rubrique Genève Internationale.
Dans le même numéro, à la page spectacle, on trouve une interview de
Jean Ziegler sous le titre "l'occident refuse de réparer ses fautes". Amusante coïncidence !
La plupart des médias s'enthousiasment pour son ouvrage dont le contenu ressemble à s'y méprendre au précédent, et sans doute au prochain, compilation de rapports et de textes assortis d'approximations qui permettent d'affirmer son idéologie au service de ses amis les dictateurs.
Il affirmait encore il y a quelques mois par exemple que "le Président Mugabe avait l'histoire et la moralité avec lui".

Jean Pierre Tuquoi, spécialiste du Maghreb et de l'Afrique a fait une critique pointue du dernier ouvrage de Ziegler dans le Monde du 13 octobre.

"La Haine de l'Occident", de Jean Ziegler : les fâcheuses approximations du SavonaroleSavonarole suisse
Par
Jean-Pierre Tuquoi

LE MONDE | 13.10.08 |

i l'on suit le raisonnement de Jean Ziegler, les peuples du tiers-mondetiers-monde ont bien raison de haïr l'Occident. Les Occidentaux ont arraché à leurs foyers et déporté outre-Atlantiqueoutre-Atlantique des dizaines de millions d'Africains dont ils ont fait des esclaves. Plus tard, par le fer et le feu, ils ont colonisé et exterminé les peuples qui vivaient sur les terres de leurs ancêtres en Afrique, en Australie, en Inde... Le temps a coulé depuis mais "les peuples, écrit Jean Ziegler, se souviennent des humiliations, des horreurs subies dans le passé. Ils ont décidé de demander des comptes à l'Occident".

Ils sont d'autant plus fondés à le faire, estime le Savonarole suisse, célèbre pour ses coups de gueule, que l'ordre mondial actuel ne fait que perpétuer la mainmise historique de l'Occident. En témoigne la destruction du marché africain du coton par les firmes américaines avec la complicité de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou les accords économiques inégaux imposés par l'Europe à ses anciennes colonies. L'émergence de multinationales dans les pays du Sud, les succès de la Chine et de l'Inde ne remettent pas en question le modèle. Les oligarchies du Sud, soutient l'auteur, se contentent de reproduire le système mondial de domination et d'exploitation inventé par les Occidentaux. Même les droits de l'homme - un héritage des Lumières - participent du complot. Alors qu'ils devraient être "l'armature de la communauté internationale" et le "langage commun de l'humanité", ils sont instrumentalisés par les Occidentaux au gré de leurs intérêts.

Il y a beaucoup de vérités dans les propos de Ziegler. Mais est-ce servir la cause des peuples du Sud que de caricaturer la réalité et de tordre le cou aux faits ? Pourquoi faire peser sur les Occidentaux tous les errements du continent africain ? La faillite de la culture du coton au Tchad et au Togo doit davantage à la gestion calamiteuse des despotes locaux qu'aux subventions versées par les Américains à leurs producteurs nationaux. La situation du Zimbabwe signe l'échec du président Mugabe et non celui de l'ancien colonisateur britannique. La faillite du Nigeria, un pays riche dont les habitants sont pauvres, a plus à voir avec la voracité de sa classe dirigeante qu'avec un complot des compagnies pétrolières. Et si la Chine détient le record mondial des exécutions capitales, l'Occident n'y est pas pour grand-chose.

Les erreurs factuelles grossières décrédibilisent aussi la démonstration. La guerre d'Algérie a fait, de l'avis des historiens les plus sérieux, entre 250 000 et 400 000 morts. On est loin des deux millions de victimes cités, sans la moindre source, par l'auteur. Même approximation à propos de la répression de la révolte de MadagascarMadagascar en 1947. L'auteur parle de 85 000 personnes tuées par l'armée française quand les chercheurs avancent qu'il y a eu 20 000 à 30 000 morts. "L'arrogance" aveugle l'Occident, écrit Ziegler. Que dire alors de la mauvaise foi dont témoigne trop souvent l'auteur du livre ?

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Commentaires
R
Dans les années 1970 déjà, Hans (dit Jean) Ziegler - il a francisé son prénom - donnait la recette de ce qu'il appelle "un livre sandwich": "Vous prenez divers de vos textes, discours ou cours pour un enseignant, vous trouvez un titre percutant, vous introduisez le sujet par une préface accrocheuse, vous ajoutez une conclusion coup de poing et mettez tout le reste en sandwich." Le tour est joué, un éditeur pas trop regardant accepte de vous publier, on se donne en spectacle et les gogos n'ont plus qu'à acheter le produit.<br /> Récidiviste du genre, l'amuseur public helvète n'est pas à une contradiction près et se moque des appoximations. En 1986, au moment de la guerre en Afghanistan, il avait publié avec l' apparatchik soviétique Youri Popov un livre complaisant pour l'URSS à Moscou, puis une version édulcorée par ses soins dans une petite maison d'édition de Lausanne, le Seuil n'en ayant pas voulu, pour le lecteur occidental. Le magazine "L'Hebdo", qui avait comparé les deux moutures, avait dénoncé la supercherie. Coutumier de l'exagération pour vanter les "bienfaits" de Kadhafi, Mugabe, Mengistu, Castro et d'autres dictatures, ou pour accabler lourdement les démocraties qui ont l'heur de lui déplaire, il croit pouvoir s'en tirer à bon compte quand il est pris la main dans le sac de ses inexactitudes: "ce n'est pas tout à fait faux", se plait-il à répondre candidement.
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